L'ELECTRICITE à BOUGIE

Comment s'éclairait-on dans la ville qui a inventé les « bougies » ? Il est très probable qu'avant - et même après – leur invention vers le XIV° siècle, la plupart des bougiotes s'éclairaient à la lampe à huile. La cire d'abeille nécessaire à la fabrication des « bougies » était un produit rare, donc cher et peu utilisé, mais exporté en Europe. Ce n'est qu'à partir de la deuxième moitié du XIX° siècle, avec l'invention de la lampe à pétrole, que les choses changent : le « pétrole lampant » est un produit facile à se procurer, vendu en bidons métalliques de contenance variée. Cet usage a perduré jusque dans les années 1950 lors des coupures de courant.

A la fin du XIX° siècle existait une petite usine thermique fonctionnant au coke, à l'emplacement du garage Hadjadj au carrefour Profério, au début du môle de la Casbah et à l'extérieur des remparts qui, à l'époque, se poursuivaient un peu dans la mer . Cette usine était destinée à fournir l'électricité servant à éclairer les quais du port et quelques rares autres lieux publics.

Le XX° siècle voit l'utilisation sporadique par des particuliers de « lampes à acétylène » (ou à carbure de calcium ). A Bougie, on ne s'est jamais éclairé au gaz de ville.

Une usine thermique fonctionnant au fuel fut construite dans les années 1920 à la Plaine, près de l'école Taillart, par la Compagnie Lebon. C'est alors le vrai début de l'électrification de la ville. Vers la fin des années 1930, la « Lebon » construisit un bel immeuble, en face de la place De Gueydon, pour y installer ses bureaux et des logements pour ses employés, à l'emplacement du célèbre « bazar Aymard ».

 

L'usine Lebon & Cie au Camp inférieur L'immeuble Lebon puis E.G.A à Bougie (à gauche)

Il semble que c'est M. Galle, délégué financier, qui le premier, au début du XX° siècle, eut l'idée d'aménager l'oued Agrioun pour en utiliser l'énergie hydraulique.
Son œuvre fut poursuivie par F. Bouscasse dans les années 1920.
La Petite Kabylie est en effet l'une des régions d'Algérie les plus arrosées (2 m par an en moyenne aux Babors et 0,80 m à Bougie)

Mais ce n'est que dans les années d'avant-guerre que le Service de l’Électricité du Gouvernement Général lança les études préliminaires. Celles-ci furent poursuivies, après la nationalisation des nombreuses petites sociétés d'électricité qui existaient alors en Algérie, pour donner naissance en 1947 à la société « Electricité et Gaz d'Algérie » (EGA).

En ce qui concerne l'aménagement de l'oued Agrioun, la première phase des travaux a débuté sur le terrain avec la construction du « petit » barrage-voûte en béton, en 1942, à l'entrée Sud des Gorges de Kerrata. Ce barrage a été mis en service en 1944. Sa raison d'être était surtout de fournir l'électricité nécessaire aux gigantesques travaux qui allaient suivre. Son usine électrique a été arrêtée en 1951 lors de la mise en service partiel de l'usine de Darguinah.

 
Vue sur l'oued Agrioun (photo Marc Itier 1960)   Vue du petit barrage de Kerrata (au premier plan le château Dussaix)
D'autres vues du petit barrage-voute en béton de Kerrata (le premier 1942)

La deuxième phase de travaux a débuté en 1947 avec la construction de la galerie d'amenée d'eau (8800 m), de l'usine de Darguinah (à 60 m sous terre), du poste d'interconnexion en surface, de la conduite forcée (340 m de dénivellation), etc.

Usine de Darguinah et la conduite forcée Timbre poste émis en 1954 Barrage Ighzer-Ouftis (photo Marc Itier 1960)

La troisième phase de travaux débute en 1950 avec la construction du barrage-poids en pierres de l'Ighil-Emda (le « grand barrage » au Sud de Kerrata, 700 m de long, 75 m de haut) et du barrage de l'Ahrzerouftis (à l'Est et très au-dessus de l'usine de Darguinah), des déviations de routes et chemins, la construction de ponts, de logements pour les employés, etc. Les travaux sont terminés en 1954. L'électricité produite alimentait toute la région, mais aussi en partie Alger et Constantine : en 1954, le quart de l'électricité de l'Algérie provenait de la région de Kerrata !

Construction et achévement du barrage Ighil Emda (barrage-poids en pierre)

En complément, d'énormes travaux avaient commencé en 1952 pour l'aménagement de l'oued Djendjen (au sud de Ziama). Ils furent fortement pertubés par des embuscades causant de nombreux morts...
On ne saurait conclure ce rapide survol de l'électrification de la région de Bougie sans rendre un vibrant hommage à la multitude d'ouvriers, de techniciens, d'ingénieurs, et en particulier au bougiote Maurice Weckel, directeur général de l'EGA, à Albert Goetz, directeur en chef des travaux, sans oublier le géologue Alexis Lambert sans qui les barrages n'auraient pas été étanches du fait de la nature des roches !

Texte Yves Bodeur - article paru dans l'Avenir de Bougie 09/2017
NB - La réalisation de ce barrage sera réalisé par un groupement d'entreprises dirigé par la GTE comprenant les entreprises Truchetet & Tanzini, Monod, THEG, EMC, Ayme & Juillan.
GTE - Grands Travaux de l'Est basée à Reims (1919), a marqué le paysage du BTP pendant la seconde moitié du XXème siècle. Participa à de nombreux travaux de construction et auto-routiers en Algérie Tunise et Maroc, et à l'aménagement hydraulique dans l'empire français dès 1932 où elle implante de nombreuses filiales (extrait du livre "Les réalisations hydrolélectriques de la G.T.E dans l'Empire français - Alexandre Gourdon - Outre-Mers. Revue d'histoire 2002).
Barrage d'Erraguène - Djendjen Supérieur
Barrage à voutes multiples
NB - voir le texte en annexe
Texte extrait des pages perso de Bernard Venis
Début construction du barrage à voutes multiples Le barrage terminé(photo Marc Itier 1960) Autre vue du barrage
Autres vues du barrage Le barrage en pleine eau (photo Marc Itier 1960)
Carte d'ensemble Kherrata et Djendjen
 
 

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