LE PIC DES SINGES ET LA TABLE D’ORIENTATION
Le « Pic des singes » puissant piton qui domine la mer de 430 mètres, fait partie du massif du Gouraya (660 m) qui domine Bougie. De son sommet, c'est un impressionnant panorama qui s'offre à nous, avec d'un côté, la mer en contrebas, le Cap Carbon (220 m), le Cap Noir, le Cap Bouak (147 m) et la vallée des singes, de l'autre côté, l'immense golfe de Bougie bordé par la chaine des Babors. Par temps clair, le regard peut s'étendre jusqu'à plus de cent kilomètres, vers Djidjelli (aujourd'hui Jijel). Le nom de « Pic des singes » vient de la présence de singes magots (ou macaques berbères) qui y vivent. Pour accéder à son sommet, il faut prendre un chemin partant du plateau des ruines du « Fort Rouge » construit par les Hammadites au 10e siècle.
En 1924, Jean Félix Borg (né en 1864), président du syndicat d’initiative de tourisme et maire de Bougie, a l’idée de rendre ce pic accessible aux touristes. Pour la réalisation de ce projet, il reçoit le soutien de Victor Boutilly (1864-1934), conservateur et directeur du service des Eaux et Forêts en Algérie, qui cherchait également à promouvoir les points les plus pittoresques des parcs nationaux du pays. Ce dernier charge Pierre Louis Léon Lafage (1879-1964), inspecteur principal du service des Eaux et Forêts à Bougie, de diriger les travaux sur le sommet du piton et d'installer un chemin d’accès, à partir du plateau des ruines.
Quelques années plus tard, Félix Borg, envisage d'agrémenter la plate-forme, qu'il a fait ériger, avec une table d'orientation qui permettra aux touristes d'identifier le paysage qu'ils contempleront devant eux.
Pour financer ce projet, il s'adresse au Touring-Club de France, association dont le but principal était de développer le tourisme. Il fait photographier l'horizon de tous côtés pour aider au travail du dessinateur de la table. Mais les tirages manquent de netteté à cause d'un ciel toujours brumeux. Il fait alors appel à Jacques Bouteron (né en 1896), géomètre à la Direction du service topographique d'Alger. Celui-ci réalise un travail parfait qui a permis le report du dessin sur une plaque de lave de Volvic émaillée en forme de disque d'un mètre de diamètre et confectionnée par la manufacture Seurat de St-Martin, près de Riom, dans le Puy-de-Dôme. Cette entreprise avait bonne réputation et avait déjà réalisé une table d'orientation pour la terrasse du magasin « La Samaritaine » de Paris. La lave utilisée est réputée pour sa longévité, elle est inaltérable au gel, aux acides et aux rayonnements solaires, elle résiste aux rayures et aux chocs de pierre. Cette plaque était scellée sur un socle de béton.
La cérémonie d'inauguration a eu lieu le 16 mai 1934, devant une foule considérable et en présence d'Émile Honoré Richardot (1881-1962), sous-préfet de l'arrondissement de Bougie.
Une plaque en marbre blanc fut posée sur le parapet qui clôture le belvédère, rappelant l'évènement avec le nom des participants. Malheureusement, cette plaque a disparu.
Après l'indépendance, la table d'orientation est complètement délaissée et a subi de multiples dommages ; même la plaque de lave de Volvic, pourtant réputée pour sa dureté, a été cassée.
En 1999, la ville de Bejaïa entreprend de remettre en état cette table et de réparer le chemin d'accès. Elle fait appel à deux artistes, Nouredine Bouzidi et Khoudir Bourihane. Ils réalisent la table en l'actualisant avec les noms des localités qui n'existaient pas avant l'indépendance ou qui ont été rebaptisées. Cette nouvelle table est constituée de portions pouvant être remplacées en cas de détérioration. Le socle a été habillé de galets ainsi que le tour du parapet.
Les restes de l'ancienne plaque de la table d'orientation est conservée au Musée du Centre d'Éducation et de Sensibilisation du Public (CESP) de Bejaïa.
Sources : Fond d’archives du Touring Club de France
au centre des Archives contemporaines à Fontainebleau.
Alain Garda-Flip-2022
paru dans notre bulletin 2022
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