LE PONT DE LA SOUMMAM À BOUGIE
(reconstitution sous-réserve)

 

Sur les vues ou les plans de Béjaïa actuel, on note que le pont qui traverse la Soummam à l’entrée de la ville est appelé « pont de Scala » que les Algériens écrivent Scala, Scalla, Skala ou Sakalla suivant leur humeur !!!
A l’époque française ce pont n’avait pas de nom, c’était tout simplement « le pont de la Soummam ».
Dans les journaux algériens actuels, lorsqu’ils situent les Quatre Chemins (vous vous en souvenez ?) ils appellent cette zone « Scala » ; dans cette zone certains établissements ou résidences portent également ce nom… En 07/2009 était  inauguré le nouveau pont de Scala à plusieurs voies qui encadre notre vieux pont métallique, préservé, devenu piétonnier.
Lors de recherches sur Internet par exemple, n’apparaissent que des affabulations comme les Algériens en sont coutumiers sur ce passé avant 1962). Chacun y va de son commentaire tiré de je ne sais où, par exemple le nom de l’entreprise qui aurait construit ce pont (Muller Frères), l’origine italienne, scala peut être traduit pas escaliers ou échelle, le nom d’un ouvrier italien qui serait mort à cet endroit dans la vase d’une des rives de l’oued, le lieu d’une escale pour voyageurs arrivant à Bougie etc.
Un commentaire a retenu malgré tout notre attention. Ce nom de Scala pourrait-être en réalité le mot arabe « alsqalat » qui se traduit par « échafaudage » et que les Kabyles dans leur quotidien disaient « sakala » et qui deviendrait « scala » par déformation… Nous pourrions retenir cela comme évident si nous n’avons pas de contradicteurs.
A la réflexion il me semblait avoir déjà lu ce mot de « scala » dans mes archives.
Dans certains chapitres de « ses mémoires », Charles Hovelacque, à qui nous avions rendu hommage dans le journal de l’association de 2016 pour tous les services qu’il a rendu à l’association, précise que son grand-père maternel Charles Dufour (1854-1934), dont l’ancêtre Louis arriva en Algérie vers 1836 et fut maire de Bougie de 1880 à 1883. Père et fils furent des personnages importants du développement agricole de la région dès le début de la colonisation. Il raconte que ce grand-père, après qu’il eut terminé la mise en valeur de sa propriété d’Oued Amizour en 1910, après ses oliveraies dans l’ighzer Amokrane, s’attela à celles des plaines de « Scala et de Tamelah » aux portes de Bougie sur l’ancien lit marécageux à l’embouchure de la Soummam – rive droite (voir le plan joint - il situe la plaine dite de Scala (4ème km) dans le triangle formé par la RN 9 vers Sétif et le bord de mer où était implantée  la ferme dite de Scala (vignes) leur appartenant. Il situe ensuite la plaine de Tamelah dans la zone humide jusqu’à l’aéroport, entre la RN 9 vers Sétif et la côte et qu’il appelle la ferme du Clos Salins (5ème km-orangeraie et vignes). Dans cette zone se situait les caves de Tamelah (du clos Salins) et la maison du régisseur M. Roméa dont nous avons contacté son fils Alain qui nous a produit quelques documents mais sans précision sur l’origine du mot Scala. Il ne reste à l’heure actuelle qu’une petite zone humide sur la droite de l’entrée de piste de l’aéroport, le lac Tamelah. L’oued Tamelah longe la piste de l’aéroport au sud. Dans un autre triangle entre la rive droite de l’oued Tamelah (Acif ou Amane), la RN 9 et la côte se situait la ferme de Djebirah, dite clos Calixte (8ème km-orangeraie) propriété aussi des Dufour-Hovelacque).
Pas de traces d’éléments qui relateraient la construction de ce pont dans ce que nous avons compulsé. Dans un rapport du Préfet de Constantine et délibération du Conseil général (1859) il est dit que l’entretien du pont de bateaux¹ sur la Soummam à Bougie coûte cher et qu’il faudrait envisager de construire un pont suspendu estimé provisoirement à 200.000 frs, projet d’étude non encore terminé. Il faut rappeler aussi qu’avant la construction du pont métallique il y avait ce pont de bateaux construit par l’armée et qu’au préalable la Soummam était traversée par des passeurs à l’aide de barques…
Dans la revue littéraire n° 37 du 14/03/1874 il est précisé  aussi qu’en arrivant à Bougie on passe sur un pont en tôle très élégant. Ce qui veut dire que sa construction remonte donc bien avant l’année 1874 (2).
Effectivement lors de nos recherches nous avons retrouvé sur le site de eBay (3) (vente en ligne) un dessin, ci-joint, représentant ce pont, dessin qui est daté du 06/03/1871 et signé d’un certain P.E Clergue. Cette année 1871 vit l’insurrection kabyle dans la région (6/5 au 12/7/1871). En visualisant bien l’image il semblerait que ce pont ne soit pas encore tout à fait terminé… (4)
Nous avons pensé également que ce pont aurait pu être construit à l’initiative de l’ingénieur-polytechnicien des P&C Albert Ribaucour qui œuvra à Bougie et dans la région (pour les chemins de fer – gares, voies et ponts). Il fut à l’origine de la construction à Bougie de l’hôtel des Postes, d’une sous-préfecture, d’un quai du port (quai Ribaucour – le môle Abdelkader), d’un pont de 36ml d’ouverture (où ? - le pont de la Soummam faisant environ 108 ml – mesure relevée sur GoogleEarth) peut-être un pont sur l’un des trois oueds qui traversent la plaine, le Salomon, le Seghir5, et le Serir qui lui aboutit dans la Soummam, rive gauche, juste avant le pont ? ou encore un pont CFA ? ). De plus, si on en croit la date figurant sur le dessin que nous proposons, 1871, on précisera que Ribaucour arriva en Algérie qu’en 1886 et y resta jusqu’en 1893 année de son décès.
Nous en tenons donc là pour l’instant.
Une anecdote concernant ce pont, c’est un Algérien qui fait remarquer qu’à l’entrée du pont, rive droite avant de rentrer en ville, il existe toujours une plaque en bronze qui date de la présence française et qui rappelle ceci :
« La mendicité est interdite dans le département de Constantine »
Après l’indépendance ce pont métallique a subi une légère transformation. En effet les arceaux métalliques de forme arrondie ont été remplacées par d’autres à angles droits et plus haut pour permettre le passage des camions de plus forts gabarits.

Recherche et mise en page Roland Pêtre

1-dans son livre « Histoire de Bougie » chapitre IV – occupation espagnole, Laurent-Charles Féraud précise que les Espagnoles profitèrent de l’éloignement du prince El-Abbas pour dévaster la forteresse située sur le bord de la rivière : rive droite de la Soummam à la tête de pont de bateaux (16ème siècle).
2-Dans le recueil « Itinéraire en Algérie » – édition 1862 – il est dit qu’un pont de bateaux traverse l’oued Soummam.
3-Cette image, mise à prix pour 85USD, localisée à Tel-Aviv en Israël, a aujourd’hui disparu du site.
4-Dans l’histoire des Chasseurs à Pied du Lt Richard, il dit que le franchissement du pont de la Soummam s’est effectué le 30/6/1871 par les 7ème et 8ème Cie du 21ème bataillon…
5-l’oued Seghir, termine sa course après l’amorce de la grande jetée, l’oued Salomon se répandait dans une zone marécageuse un peu plus bas que la calle sèche dans le fond de l’arrière-port. Son cours d’un débit pratiquement nul, fut bloqué au moment des travaux de l’arrière-port (quai en eaux profondes). Bien avant cette année 1947 (voir plans de l’époque) ces oueds étaient canalisés... Ce port en eaux profondes est un des derniers cadeaux que la France finança début des années 1960.


Paru dans le journal 2024

1871 - année de construction du pont
(agrandir en cliquant sur l'image)
Début des années 1900
Contrôle de police lors du passage du pont
Début des années 1900 - surveillance militaire
Fin des années 1960
Les raidisseurs cintrés sont encore en place
Plaque en bronze rivetée sur la stucture du pont
dans les années 1900 existe toujours
Vue après 1962 - les raidisseurs sont modifiés
Vue aérienne récente
Le nouveau pont encadre le premier pont devenu passage pour piétons.
Voir un plan de situation

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