Article paru dans l'Echo de Bougie 2013



MINE DE BENI FELKAÏ


Pour en savoir un peu plus sur la mine de fer de Beni Felkaï
Dans un paragraphe pris dans dans un livret-guide édité par le Syndicat d'Initiative de Bougie en 1914, il nous est dit ceci :
NB - Nous avons agrémenté ce chapitre de toutes les cartes postales et photos des archives de notre association
De Bougie à Djidjelli El Milia et Robertville

Après avoir contourné le cap Aokas, traversé le village de Oued-Marsa (25 kilomètres), la route franchit l'oued Sidi-Rehane et entre dans la grande forêt d'Acherit, dont elle longe la lisière sur plusieurs kilomètres en suivant le pied des premiers contreforts des Babors .
Cette forêt, il y a quelques années, impénétrable, disparaît progressivement pour faire place à de magnifiques vignobles ou à de gras pâturages. Cette transformation due à la colonie lyonnaise et en particulier à M. Ferrouilat, propriétaires du grand domaine de Sidi-Rehane, a très heureusement assaini une région autrefois très fiévreuse.
A sept kilomètres de Sidi-Rehane, on atteint le centre de Souk-El-Tenine et, à un  kilomètre  plus loin, le croisement des routes de   Djidjelli et de Sétif, sur les bords de l'oued Agrioun.
Laissant à droite la route de Sétif, qui remonte dans la vallée de l'oued Agrioun, on tourne brusquement à gauche et on traverse la rivière sur un pont métallique.
Après un parcours de 1.200 mètres on franchit le Bou-Zazen, un des affluents de l'oued Agrioun, puis, à travers des sous-bois délicieusement ombragés, la route gagne la fameuse Corniche des Falaises, à l'origine desquelles sont établies les installations de la Société des Mines de fer des Beni-Felkai, importante société, qui par la petite voie ferrée longée depuis le pont de l'oued Agrioun, conduit ses minerais de la mine jusqu'à la côte, sur laquelle elle a hardiment jeté un puissant pont transbordeur, qui permet le chargement des navires du plus fort tonnage en quelques heures. Le minerai, conduit par les wagons dans une immense trémie, est dirigé, par un trottoir roulant, jusqu'au haut du wharf, d'où il tombe dans la cale des navires.
A quelques centaines de mètres du transbordeur, et à droite de la route, s'ouvre une vaste grotte, creusée dans la montagne et dont l'ouverture est franchie sur un pont.
Un peu plus loin, un escalier abrupt s'élève dans une gigantesque crevasse et conduit à la mine de zinc des Beni-Seghoual, (260 m. d'altitude) dont les minerais sont descendus sur la route par un câble aérien.
Il est impossible de décrire la variété d'aspects de cette partie de la route qui, construite au cours des années 1900 et 1901, a dû être en entier entaillée dans les flancs de la montagne, constitués par des roches dures et compactes.
Sur une longueur de plusieurs kilomètres, la falaise s'élève à des hauteurs surprenantes, surplombant souvent au-dessus de la tête du voyageur qui voit, à ses pieds, la mer battre les roches déchiquetées par des assauts, dont la violence ébranle toute la masse rocheuse et qui, les jours de tempête, produisent des grondements souterrains, du plus impressionnant effet.

En 1900, dans une monographie éditée lors du Comice agricole de l'arrondissement de Bougie, il était question de minéralogie. Cette monographie était dédiée au Gouverneur général de l'époque, M. Laferrière. Elle mentionnait la richesse de la région des Babors et Tababors en plusieurs sortes de minerais et qu'un permis de recherches avait déjà été délivré en 1898 pour la région d'Aït Felkaï près de Darguina.

Ce que nous avons pu retrouver sur l'histoire de cette mine :

Après sa mise en valeur, la concession de cette mine fut attribuée aux Anglais...!
La présence anglaise en Algérie de 1830 à 1930... un vaste sujet et bien plus tard encore...
En vous connectant sur ce site vous en saurez un peu plus :
NB - il vous suffira de renseigner la zone de recherche avec la mention "présence anglaise en Algérie" pour arriver sur l'ouvrage concerné.
A présent, un peu de l'histoire de cette mine :
L'inventeur de cette mine est un Monsieur GRASSESCHI Antoine (né en Italie), entrepreneur et marchand de liège à Bougie (M. Grasseschi était le beau-père de M. Georges Duchemin aconier à Bougie - SNA et d'Henri Vernier - quincaillier à Bougie), avec la participation de la "The North Afrika Mining Company Limited", une compagnie anglaise. Cette prospection a du commencer dans la fin des années 1890 (peut-être 1897). C'est en 1908 que la N.A.M.C.L obtint des droits sur la concession de cette mine suite au désistement de M. Grasseschi. En 1909, la "The Beni Felkaï Mining Company Limited" de Meddlesbrough en Angleterre, se substitue à la N.A.M.C.L  A cette époque les Anglais étaient les plus gros producteurs de métaux au monde et principalement la fonte. Leur politique était de "rafler" toutes les mines qu'ils pouvaient. Cette concession est cédée le 6/07/1910 et enregistrée à la Sous-préfecture de Kerrata le 9/08. La N.A.M.C.L abandonne ainsi tous ses actifs au profit de la B.F.M.C.L. Dans les actifs étaient bien entendu inclus la voie ferrée qui acheminait le minerais de la mine à la côte, ainsi que les installations de chargement des bateaux situées au lieu dit "Melbou" que nous appelions les « Falaises » et où quelques Bougiotes possédèrent plus tard des cabanons. L'autorisation d'exploiter est donnée conformément à l'arrêté préfectoral du 23/06/1911. Après les avis de toutes les administrations concernées, un décret daté du 4/12/1916 parait dans le Journal officiel n° 312 du 16/12/1916 (pages 10830, 1837 et 10838) et sa réciproque dans le London Gazette du 01/10/1918 p. 10582. Entre temps, par lettre du 5/07/1914, M. Grasseschi abandonnait ses droits au profit de la B.F.M.C.L sous réserve de garder ses droits d'inventeur. Le décret prévoit qu'une participation de 40cents. par tonne extraite seront versés au profit de l'Algérie, les propriétaires de surface toucheront 3 francs par hectare et l'inventeur de la mine, M. Grasseschi, 50 cents. par tonne extraite et pendant 20 ans. Cette mine se situait sur le territoire des Beni-Felkaï sur l'ancienne commune mixte de Takitount (1880-1957) S/P de Kerrata, plus exactement au début des gorges de Kerrata, après Darguina, à environ une vingtaine de kilomètres de Souk-el-Tenine. L'étendu de la prospection, en surface, était de 423 ha. Le J.O précise également la d’élimination géographique en surface de la prospection. Les repères précisés sont difficilement exploitables en l'état sans l'aide d'une carte d'état-major précise de l'époque. Un plan de situation est en principe joint au J.O (recherche à effectuer auprès de l'administration). 

L'acheminement du minerai se faisait par wagons depuis la mine, sur une voie ferrée métrique, d’environ une vingtaine de kilomètres, qui courait sur la rive droite de l’oued Agrioun. Sur la rive gauche était la route de Sétif. Cette voie allait jusqu'au pont métallique de Souk-El-Tenine où le minerai était entreposé sur un terre-plein de plusieurs hectares, la station de chargement sur la côte ne pouvant rien stocker. Cette voie ferrée se poursuivait ensuite vers la station d’embarquement, au lieu dit Melbou ou les Falaises pour certains, en contournant le village de Béni Felkaï (qui sera rebaptisé Melbou après l'indépendance), à l’amorce de la route des Grandes Falaises. Cette station de chargement recevait le minerai dans une vaste trémie, puis acheminé par un tapis roulant supporté par un énorme cantilever qui permettait de charger directement les cargos qui assuraient le transport jusqu’en Angleterre. . Cette côte, très inhospitalière à cet endroit, ne permettait que ce moyen de chargement. Les jours de chargement, le minerais déversé dans les soutes des navires, dégageait un imposant nuage de poussière rouge qui enveloppait cette partie de la côte. La voie ferrée se poursuivait ensuite, en traversant la route vers Djidjelli, par une voie de garage et un atelier où étaient entreposés et réparés le matériel de la voie.
Les navires qui arrivaient pour le chargement devait être guidés par un pilote. Sous contrôle anglais, le pilote était M. Rebillard, un ancien marin au long cours. Il avait bâti sa maison aux Falaises face à la jetée d'embarquement. Suite à la fermeture de la mine, il travailla à la Commune Mixte de Oued Marsa. Il vécut dans cette maison jusqu'à la fin de ses jours en 1948, âgé de 72 ans (témoignage Pline Heintz son filleul).
La production de cette mine était d’environ 250.000 tonnes par an d’un minerai, de l'hématite, à forte teneur en fer, environ 65%.
La mine fermera en 1931. Elle subit de plein fouet la crise de 1926. Le minerai ne se vendait plus.
La Beni Felkai Mining Company Ltd sera déclarée en faillite en 1931 avec reprise par la Sté Financière et Industrielle de France (1930-1934). L'exploitation de la mine cessera après son épuisement...! Après l'indépendance de l'Algérie, lors des périodes de  nationalisations en 1965, tous les concessionnaires de mines seront déchus de leurs droits. Pour Béni-Felkaï le 2/06/1965 (JO algérien page 620 avant dernier alinéa).
Le dernier directeur de la Beni Felkaï était un Anglais, M. Southee. Il habitait à Bougie dans l’immeuble Borge au dessus du garage Pouzade. Il ne survivra pas à cet échec et mourra quelques mois après la fermeture. A Bougie, son épouse donnait, à titre privé, des cours d’anglais. Il se disait qu’elle faisait parti de l’Intelligence Service… (tiré des mémoires de Charles Hovelacque un ancien de Bougie qui était un de ses élèves).
En continuant les recherches sur cette mine, nous avons aussi consulté les archives d'Outre-Mer à Aix en Provence (ANOM). Dans les archives accessibles de l'ancienne commune mixte de Takitount, nous retrouvons, dans la rubrique Mines et Carrières, les traces des documents disponibles sur cette mine jusqu'à sa fermeture.
Il faudra se déplacer pour en savoir un peu plus. A suivre...
A présent il ne reste plus que les ruines des installations de l'époque. Nous avons rajouter, dans le chapitre reportage photos, des photos récentes de ces lieux. Quand à la voie ferrée… ! disparue depuis longtemps.
L’amorce de la route des Falaises à Beni Felkaï a été complètement bouleversée par des effondrement ou des restructurations de son profil. Une plage s’est formée qui n’existait pas dans les années 1950. L’oued Agrioun peut y être aussi pour quelques choses car en période de pluies il prenait une ampleur importante accéléré en plus par l’étroitesse des gorges de Kerrata où il passe, il fournissait la côte d’une importante masse d’alluvions. Les tempêtes, terribles à cet endroit exposé au large, aidèrent aussi à ce bouleversement.

Un ancien de Bougie, dont les grands-parents possédaient un cabanon à cet endroit dans les années 1950, se souvient très bien de ces ferrailles qui traînaient dans les rochers sans en bien connaître leur origine ; reliques d’un temps révolu.

Ndlr - Pour la petite histoire, le matériel de manutention, principalement les pelles mécanique à vapeur pour le chargement du minerai, locomotives, wagons etc…, étaient fournies par la société Pingueley – importante société de constructions mécaniques de Lyon – La famille Pingueley fut propriétaire du Domaine viticole de Djébirah au km 7 sur la route de Tichy aux Falaises (sur le côté droit).  La Pingueley avait en son temps fournis une importante part du matériel nécessaire au percement du canal de Suez. Elle fournira également tout le matériel nécessaire à la construction du port de Bougie. Lors de la faillite de la société du Canal de Panama, dans laquelle elle avait énormément investi, la famille sera contrainte de vendre son domaine de Djébirah repris en 1931 par la Société d’El Matten et Domaines réunis (tiré des mémoires de Charles Hovelacque).

A suivre…

 

Enquête réalisée par Roland Pêtre

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