Extrait d’un article paru dans la Dépêche de Constantine et que nous avait communiqué il y a quelque temps Marcel Castell.
« Bougie s'apprête à célébrer le centenaire de son église dont la
première pierre fut posée en 1857.
Les débuts de la colonisation, le IIe Empire, cela déjà nous paraît lointain et ceux qui peuvent contempler les vieilles photographies de notre ville datant de quelques quatre-vingts ans sont frappés des changements profonds qu'elle a subis depuis.
Notre église est un vénérable monument déjà centenaire. Ce n'est pourtant pas la première église de Bougie, tant s'en faut.
C'est au XIe siècle, tandis que régnent à Paris les premiers Capétiens, que Bougie renaît à l’histotre et d'une façon éclatante. Fondée en 1067 par le sultan Hammadite En-Nacer, elle va devenir la capitale du vaste royaume berbère de la dynastie des Béni-Hammad qui s'étend de la Tunisie à Tlemcen.
En-Nacer entretient d'excellentes relations diplomatiques avec le pape Grégoire VII. Une colonie chrétienne existe dans son ancienne capitale de la Qalaa près de Bordj. En 1076, il envoit au Pape un prêtre nommé Servandus, demandant qu'il soit consacré évêque de la nouvelle ville. Après avoir soumis Servandus aux épreuves appropriées et l’avoir jugé digne, Grégoire VII le renvoit à En-Nacer avec le
titre d'évêque de Bougie. La nouvelle capitale du royaume Hammadite a donc son église et son évêque.
Si nous connaissons l’emplacement des palais et des mosquées construits par En-Nacer et son fils El-Mansour, nous ignorons malheureusement l'emplacement de l'église de Servandus.
Durant la renaissance les relations avec l'Europe semblent s’être gâtées. Les Espagnols décident de mettre fin à la course qui est restée l'activitié favorite des marins bougiotes.
En 1510, don Pedro de Navare débarque avec une flotte de 14 navires transportant dix mille hommes et s'empare de Bougie.
D'après une vieille chronique espagnole, lorsque les Turcs eurent pris Bougie en 1555 ils pillèrent l'église et la transformèrent en mosquée.
Sous la domination turque, Bougie périclite au profit d’Alger devenue capitale.
En 1833, les habitants lassés de l'occupation turque, font connaître aux Français établis à Alger, qu'ils seraient prêts à leur remettre la ville. Le bey de Constantine menace de marcher sur Bougie avec son armée. Alors, le général Trézel part de Toulon avec sept vaisseaux portant deux bataillons du 59me de Ligne, une compagnie de sapeurs du Génie et deux batteries d'artillerie. Il débarque le 29 septembre 1833 à Bougie que ses troupes prennent d'assaut.
Au début de l'occupation, 1e Gouvernement militaire avait fait construire une église en planches. Cet édifice sommaire se révéla vite insuffisant et bientôt la construction d’une véritable église était décidée.
La première pierre en fût posée le 15 octobre 1857.
Elle fut construite sur les fondations d'une ancienne mosquée, Djama Sidi-el-Mohoud, et les travaux de terrassement permirent de découvrir cinq mètres plus bas les murs en pierres de taille d’un ancien temple romain. »
Pendant plusieurs années, l’église ne comporta qu’un corps principal et la nef avant l’agrandissement par l’adjonction des bas-côtés.
Sur la facade de l’église étaient gravées les armoiries de la ville formées d’un écu chargé d’un croissant, d’une comète et d’une ruche. Le croissant rappelle la domination musulmane, la comète celle de 1858 *, année de la construction de l’église. La ruche est l’emblème de l’activité des populations kabyles en même temps qu’elle rappelle la cire servant à faire les bougies qui auraient tiré leur nom de celui de la ville. »
L’article est signé Y.B
(*) Il s’agit de la comète Donati n° C/1858 L1, découverte le 2/6/1858 par l’astronome italien Giovanni Battista Donati (1826-1873). Elle fut visible pendant quatre mois à partir de septembre 1858. Elle présentait une queue de poussière incurvée sur 30° ainsi que deux fines queues bleutées de plasma sur 60° environ. Ce fut la première comète à être photographiée. Ces photos ont été prises, l’une en Angleterre par W.Usherwood, la seconde par l’observatoire de Harvard aux Etats-Unis par l’astronome W.C Bond. Seule la photo de Bond existe encore. Cette comète ne peut se voir, d’après les calculs des scientifiques, que tous les 1950 ans…
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