L'ENQUETE

J’avais entrepris des premières recherches sur Internet et en bibliothèques aussi, et celles-ci me renvoyaient systématiquement vers la Finlande. En effet, le nom de Saarikoski est omniprésent dans ce pays, comme nom patronymique, comme nom de villages et aussi de lieux dits, entre autres des rapides et des chutes sur le parcours de la rivière Kitka, mais pas de navire.
Puis le dossier est resté en sommeil.
Ces recherches ont stagné jusqu’au 10 septembre 2008 où j’ai reçu un courriel d'un bougiote, Louis Paleirac, qui a eu plus de perspicacité que moi et m’a conduit sur une piste très intéressante. Dans son message, il me précisait (il me communiquait aussi l’URL d'un moteur de recherche pouvant parler de ce navire, et plus précisément dans la recherche de livres, seul domaine que je n’avais pas exploré) qu'il s'agissait bien d'un navire, un trois-mâts de nationalité russe qui avait sombré dans la rade de Bougie au cours des journées des 8 et 9 janvier 1900 … !
Les informations données par ce moteur précisaient qu’elles étaient extraites d’un ouvrage, intitulé :
- Archives de médecine et de pharmacie militaires de France -
(Ministère de la Guerre – Direction du service de la santé),
dont un exemplaire était conservé dans une des bibliothèques de l’université du Michigan aux USA (1). Il était précisé aussi que cet ouvrage, publié en 1900, avait été numérisé en 04/2006, ce qui pouvait expliquer sa présence sur ce moteur de recherche.
J’ai donc suivi cette piste.
J’ai contacté par courriel cette université qui m’a, par retour, donné les références de ce livre dans une des bibliothèques de leur campus.
Effectivement, j’ai retrouvé cet ouvrage sur leur site et constaté que ces références emmenaient bien chez ce moteur de recherche. Je me suis amusé à faire le chemin inverse, en partant du site de cette bibliothèque, pour accéder à la page (en langue anglaise) que Louis Paleirac m’avait indiqué (en français).
Sur la page du moteur, en précisant dans la zone de recherche « Saarikoski », on obtient une partie de la page où figure ce nom, mais que trois lignes. Pour obtenir au moins le chapitre, il m’a fallu un bon moment, en essayant de reconstituer les phrases du dessus, puis celles du dessous, jusqu’à obtenir pratiquement une dizaine de lignes mais pas le paragraphe entier.
J’ai donc déposé une demande afin d’obtenir la copie intégrale de la page de cet ouvrage relatant ce fait. Il s’agissait de la page 80. Mais il me fallait attendre car ces bibliothèques ont des priorités à respecter sur le campus, chercheurs patentés, professeurs et étudiants…

Une question s'est posée à ce moment là : cet ouvrage devait bien exister en France !
J’ai contacté le Ministère de la Défense (ex Ministère de la Guerre) qui m’a dirigé vers la BCSSA (Bibliothèque Centrale du Service de Santé des Armées) et donné un lien direct avec un bibliothécaire qui a pris ma demande en compte, charge pour moi de lui faire une demande officielle via le Net. Cet ouvrage existait bien chez eux. Une heure plus tard j’étais en possession de ce document via Internet (annexe 1).

À présent il fallait en savoir un peu plus sur l’histoire de ce voilier et l’origine de son nom.

J’ai  lancé plusieurs pistes dont une avec le Conseiller culturel de l’ambassade de Finlande en France qui a pris acte de ma demande et qu’il engageait des recherches, très intéressé par le sujet. Je lui ai fourni tous les renseignements en ma possession (pas de suite ...)

J’ai également lancé des demandes à des associations spécialisées dans les grands voiliers. Une réponse très favorable m’est parvenue puisque ce navire a été retrouvé dans le Lloyd’s Register (la bible des Shiplovers)
Un navire portant ce nom a bien été retrouvé, un navire en bois gréé en trois-mâts barque, construit en 1870 à Sastmola (Finlande) par M.Hannus pour Johan Ahlström (2) – 151'.9 x 33'.1(3) – et battant pavillon russe (4).
Il s’agissait bien de notre navire.

J’ai également contacté l’ambassade  de Grèce en Algérie puisqu’ils sont nommés dans la fameuse page 80 ainsi que l’ambassade de Russie en France, qui sont aussi nommés, pour tenter de retrouver leurs rapports de l’époque (pas de réponses)

Une nouvelle possibilité s’est offerte à moi, le culot paie parfois ! J’ai contacté la Bibliothèque nationale de Finlande à Helsinki. J’ai obtenu quelques jours plus tard un contact très sérieux avec une bibliothécaire et un accès en ligne à la presse finnoise de l’époque, de 1870 à 1900, année du naufrage de ce navire (tous les journaux sont numérisés et en accès libre, pas toujours le cas en France).
Le moteur de recherche interne de la bibliothèque offrait aussi l’avantage de travailler en langue anglaise et d'une manipulation très facile.
J’ai pu ainsi constater que la presse finnoise de l’époque était très prolixe (bien que dans le giron de la Russie, mais celle des Tsars). Près de 150 quotidiens existaient (régionaux et nationaux) rédigés en suédois pour la plupart et en finnois parfois (la Russie avait maintenu la langue suédoise qui gardait la primauté sur le finnois). Certains articles étaient imprimés en caractères gothiques allemand, en lettres latines ou en russe (cyrillique). Ces caractères ne sont plus utilisés et en Finlande ils disent qu'ils sont "fractura"... La Finlande était au fait de tout ce qui se passait dans le monde tant du point de vue économique, politique, artistique et autres. Le seul moyen de communication à distance à cette époque était surtout le télégraphe. C’était un pays très commerçants si l’on en croit le nombre de leurs navires sillonnant les mers du Monde.
J’ai pu compulser ces journaux depuis l’année 1870, année de la mise à l’eau de ce navire jusqu’en 1900, année de sa disparition. Mais le problème était la langue d’origine de ces journaux. Je n’avais aucune connaissance du suédois ou finnois, quant aux caractères gothiques ou cyrilliques …
J’ai donc fait usage d'un traducteur en ligne, mais d’une grande imprécision quant aux résultats (suédois du XIXè).
Le travail à faire était conséquent.
Leur moteur permettait aussi une recherche très fine. En appelant ce nom, Saarikoski par exemple, et par année, j’avais dans la minutes qui suivait les pages de tous les journaux où ce nom figurait. Mis à part les quelques articles qui en parlaient plus particulièrement (mise en service du navire, quelques incidents de parcours, des problèmes avec les douanes espagnoles au sujet des taxes sur les importations de bois et sa disparition), le reste des informations figuraient sur des annonces maritimes, les "skeppslista" (en suédois : liste des navires) ou la "laiwalista" (la même chose en finnois) (annexe 2). Ces annonces informaient des ports de départ et d’arrivée des navires, les noms des capitaines et les dates.
Ces annonces étaient souvent rédigées en abrégé, ce qui ne facilitait pas la traduction. Je me suis vite familiarisé à ces recherches et j’ai pu me constituer un petit lexique des mots qui se répétaient sur ces annonces et ainsi gagner du temps. La diffusion de ces annonces était irrégulière suivant les journaux, d’une semaine à un mois environ. Par chance, seule une dizaine de quotidiens produisait ces annonces. Ce fut près d’un mois de travail à raison de plusieurs heures par jour pour inventorier tout cela. Mais le jeu en valait la chandelle (pour un natif de Bougie cela me semblait normal). Mais quelle satisfaction au bout !
Mais rien n’est fini. Il me restait à affiner les informations que j’avais recueillies en les faisant traduire un peu mieux que ne le font les traducteurs en ligne.
J’en ai profité aussi pour me familiariser avec l’histoire de la Finlande qui est très intéressante.
En dernier lieu et dans le but d'en savoir un peu plus, j’ai contacté la firme Ahlström Paper Corporate, leur site Internet, dans l’historique du groupe, fait une part non négligeable à son fondateur Antti Ahltröm, (pas de suite) (annexe 5).



Roland PETRE

(1) - Université du Michigan : se trouve à Ann Arbor. Elle fut créée à Détroit en 1817 puis transférée à Ann Arbor en 1841. Deux campus régionaux à Dearborn et Flint. Dix neuf bibliothèques pour 8,27 millions d’ouvrage.
(2) - Johan Ahlström et M. Hannus (annexe 5)
(3) -
46,025 ml x 10,058 ml - Tirant d’eau 17’ = 5,18 ml
(4) - Il faut rappeler que la Finlande était aux mains des Russes depuis le 17/9/1809 (traité d’Hamina ou Fredriksmamm) et devint le Grand  Duché de Finlande dont le tsar Alexandre 1er en fut le Grand duc,  après avoir été sous le joug des Suédois depuis le XIIè s. Elle déclara son indépendance le 6/12/1917 profitant du désordre causé par la révolution bolchevique. Cette indépendance fut reconnue par les Soviets le 4/1/1918. Le 17/7/1919 la république finlandaise fut proclamée.
       Au cours de l'occupation par la Russie, cette dernière maintint la flotte finlandaise, mais la contraignit à voguer sous pavillon russe.
       Le pavillon russe, tel qu’il était, fut instauré en 1667. Il était semblable à celui que nous connaissons actuellement, (son renouveau depuis 1991), après avoir été supprimé par les bolcheviques en 1918 (trois bandes horizontales, le blanc (noblesse ou liberté), le bleu (l’honnêteté ou la Ste Vierge protectrice de la Russie) et le rouge (courage et générosité ou puissance), suivant les versions).

INTRODUCTION