LE NAVIRE


C’est le 30 juillet 1870 que ce trois-mâts barque fut mis en service .
C’est un article paru dans le quotidien « Björneborg » n° 32 - page 1 - du 13/8/1870 qui en informe en premier les lecteurs (annexe 3).
Pour la petite histoire, le Björneborg deviendra plus tard le Björneborgds Tidning (textuellement le « Journal de Björneborg » – Björneborg est une ville portuaire sur la côte Ouest de la Finlande dans le golfe de Botnie – Björneborg est l’ancien nom suédois de cette ville, l’actuelle Pori). D’autres quotidiens souligneront également ce fait : le Wiborg Tidning – l'Abo Underrättelser – l'Helsingors Dagblad.

C’était un navire construit en bois (dmj 92 = doublé en métal jaune) et grée en trois mâts barque*, d’un encombrement de 151,9 x 33,1 pieds, 17 pieds de tirant d’eau et jaugeant 623 tx. De nombreux trois mâts existaient à cette époque avant la vulgarisation de la marine à vapeur. Certains navires conjuguaient parfois les deux systèmes.

Il fut construit à Sastmola (nom finnois actuel : Merikarvia) au nord de Björneborg (actuelle ville de Pori, jumelée à la ville de Macon en France) son port d’armement, par M. Hannus de Lappfjerd (en finnois, Lapväärtti) pour le compte de l’armateur Antti Ahlström (annexe 5).
Dès son lancement, il commença à naviguer aux quatre coins du monde, principalement pour le compte de son propriétaire, pour le transport du bois dont il était producteur (A.Ahlström possédait 15 scieries dans les régions très boisées autour de Bjorneborg).
Je me suis amusé, au cours de mes recherches, à recenser tous les endroits où il a pu naviguer dans le monde, Asie, Amérique du Nord (côte Est et Ouest), Amérique du Sud, les Caraïbes, golfe du Mexique, les côtes de l’Europe et, bien entendu, la Méditerranée qui lui fut fatale. A cette époque de la marine à voiles les voyages et les traversées des océans duraient un sacré bout de temps, c’étaient des absences de plusieurs mois pour ces marins aguerris. L’équipage était composé essentiellement de marins originaires des Äland (archipel situé à l’entrée du golfe de Botnie) (annexe 6).

On connaît aussi les noms des différents capitaines qui ont commandé ce navire : Hiden (1870-1876), Lauren (1876-1878), Liljeback (1878-1883), Johnasson (1883-1885), Wahlroos (1885-1891), Svahnström (1891-1894), Sjölund (1894-1896) et le dernier Karlson (1896-1900).

A souligner  qu’il ne fit pas souvent escale en France. J’ai retrouvé trois destinations : Marseille, Hyères et Cette (ancienne orthographe de Sète) C’était peut-être un signe ! Un jour le fantôme de ce bateau se devait de retrouver les descendants des Bougiotes du 19èmes. dans cette ville**. Qui sait ?
Le Saarikoski ne revenait jamais à vide ou alors sur des parcours relativement courts. Il naviguait alors « barlast » comme disaient les Finlandais à l’époque, c’est-à-dire suivant la technique qui consiste à remplir des ballasts d’eau pour rendre le navire plus stable à la navigation.
Il connut quelques incidents au cours de ses périples, pris dans les glaces en arrivant à Räfsö (golfe de Finlande extrême sud de la Finlande) alors qu’il revenait des Baléares avec une cargaison de sel, en réparation dans les ports de Barcelone et de Valence et d’autres faits plus mineurs.

Puis arriva l’année 1900 ou, au cours d’une effroyable tempête qu’il essuyait en Méditerranée, il se retrouva en perdition et se réfugia avec beaucoup de difficultés dans le golfe de Bougie. Mais le temps était trop mauvais, il ne tenait pas sur ses ancres, les chaînes se brisèrent et il commença à dériver vers la côte et s'échoua à l'embouchure de l'oued Zitoune près du cap Aokas à quelques kilomètre de Bougie. Un petit vapeur qui croisait dans le coin, le Bastia de la CGT (annexe 7), un paquebot affecté sur les lignes d’Afrique du Nord, tenta de lui porter secours mais en vain. Il fallait abandonner le voilier en perdition. Une partie des hommes d’équipage fut secourue par le Bastia, deux se noyèrent dont un jeune mousse. D’autres s’en sortirent comme ils purent en restant peut-être sur l’épave qui se brisa sur la côte. C’est là aussi qu’intervint l’équipe médicale militaire française basée à Bougie et qui participa activement au sauvetage et aux soins aux blessés (annexe 1).
Dans la presse finnoise de l’époque, ce fait est relaté dans plusieurs journaux (annexe 8). Dans le « Björneborgs Tidning du 23/1/1900 - n° 9 page 2 - le capitaine Karlson raconte en détail ce naufrage (annexe 9).
Dans le même journal, celui du 13/10/1900 - n° 119 page 1, il est fait mention de la récompense financière attribuée aux membres de l’équipage du Bastia par l’armateur du voilier (annexe 10).

En octobre 2014, nous avons retrouvé dans les archives (des journaux français paraissant en Algérie) de l'Oued Sahel, l'ancêtre de l'Avenir de Bougie, les articles qui informaient de ce naufrage les habitants de Bougie . Vous trouverez des extraits dans le chapitre ANNEXES ainsi que les liens avec la BNF (Bibliothèque Nationale de France) (annexe 12). Ces reportages sont beaucoup plus précis et détaillés que la presse finnoise.

Cette plaque de bois que possède la famille Seguin a certainement été récupérée plus tard sur une plage.

Pour terminer l’histoire, il faut préciser que, par comble de malchance, ou alors c’était son destin, le paquebot Bastia s’échoua, quelques mois plus tard, le 17 avril 1900, à l’ouest du cap Sigli, donc tout près de Bougie, alors qu’il luttait contre de forts courants et par temps de brume épaisse. Il ne put être sauvé. Plusieurs bateaux portant ce nom lui succédèrent (un Bougiote, Claude Serviés, m’a apporté son aide en ce qui concerne le Bastia. C’est dans les archives de la French Lines au Havre, où il demeure, qu’il retrouva la fiche descriptive du Bastia, une photo et quelques anecdotes à son sujet (annexe 7).

Nous savons enfin qui était le SAARIKOSKI.

Une précision encore, c’est l’origine de son nom. Certainement donné à ce bateau par Antti Ahlström, du nom d’un village au nord-est de Björneborg : Saarikoski-Pomarkhu, dans la région duquel étaient installées certaines de ses scieries. Le bois de construction du navire devant venir de l’une d’entres-elles.
C’est une éventualité…

* Un trois-mâts barque est un navire à voile à trois-mâts dont le mât de misaine (à l'avant) et le grand mât (au centre) sont gréés en voiles carrées. Sur le mât d’artimon  (à l'arrière), sont gréées une brigantine à corne et une flèche. Les Cap Horniers de cette époque étaient aussi des trois-mâts barque (annexe 4)
** Les Anciens de la ville de Bougie se retrouvent tous les ans à Sète, en novembre, afin de commémorer leur départ en 1962 de leur pays natal , l'Algérie , et raconter leurs souvenirs.