Annexe IX
RECIT DU CAPITAINE KARLSON

Le dernier voyage du trois-mâts barque "Saarikoski"

Une lettre attendait au siege de la compagnie de navigation, et nous attendions de prendre connaissance de son contenu. Il s'agissait du récit du capitaine Karlsson qui y relatait le dernier voyage du "Saarikoski" et ce qu'il avait subi de la manière suivante:

" J'ai quitté Svansea le 11 décembre. Tout se passait bien au début, nous avons affronté de dures tempêtes dans l'Atlantique, pendant lesquelles la cambuse ainsi que la fenêtre et les portes de la cabine furent cassées. En Méditerranée, nous avons encore essuyé des tempêtes et la nuit du septième jour, nous nous sommes aperçus que le navire prenait l'eau. Nous sommes donc allés écoper en activant toutes les pompes. Après une heure de travail,une pompe s'est montrée incapable de tenir le rythme pour cause de fuite. Ce qui nous décida à faire relâche à Bougie pour rendre étanche l'endroit par où le bateau fuyait, fuite qui se trouvait près de la ligne de flottaison.
Je suis arrivé dans le golfe de Bougie et y ai jeté l'ancre le huitième jour, à onze heures du soir. Mais en raison du vent qui nous frappait de face et du courant qui nous était contraire, nous ne pûmes atteindre le meilleur endroit pour mouiller. Durant la nuit, le vent du nord se mit à souiller, avec une grosse mer et de violentes averses de grêle, c'est pourquoi j'ai laissé fixées les chaines d'amarrage sur toute leur longueur; il n'y avait pratiquement aucune chance de revenir si l'on sortait sur le pont. Dans la matinée du neuvième jour, la chaîne d'amarrage à tribord céda. C'est pourquoi je nous signalai au remorqueur et lançai l'ancre de réserve. A midi, un bateau de voyageurs français est arrivé dans le but de remorquer notre navire en un lieu plus sûr, mais nous ne pûmes attacher son câble avant que la chaîne d'amarrage à bâbord ne cède. Le bateau commença alors à dériver autour de l'ancre de réserve. Nous activâmes alors le gréement et le navire cessa de dériver. Le bateau à vapeur fit alors un nouvel essai pour s'approcher de notre navire, mais n'arriva pas à nous envoyer le câble à bord, et c'est alors que la chaîne de l'ancre céda elle aussi. Nous reçûmes du bateau à vapeur le message suivant :: "La côte est dangereuse, il vous faut quitter le navire aussi vite que possible". Entre temps, le vent, qui avait forci et s'était transformé en tempête, continuait à souffler et le bateau s'approchait des brisants. Au dernier moment, nous avons alors mis les canots de sauvetage à la mer avec neuf hommes à leur bord, vêtus uniquement de leurs vêtements de travail, et nous avons été recueillis par le bateau à vapeur vers six heures du soir. Pendant ce temps-là, quatre hommes étaient retournés à bord de notre navire et devaient y rester, car notre bateau commençait à se heurter contre les côtes escarpées. Deux de ces hommes périrent, à savoir le second et l'Anglais, les deux autres se sauvèrent par l'arrière du bateau le dixième jour à quatre heures du matin.
Il fut possible de sauver quelques morceaux de la coque, mais tous les effets mobiliers, les papiers ainsi que tous mes instruments, vêtements, cartes et livres furent perdus. La valeur de ce qui avait été sauvé ne dépassait pas les 600 francs. La cargaison aurait dû être assurée, de même que le bateau, lequel avait été récemment à Copenhague pour y souscrire un important fret de remonte, réputé ne pas être assuré.
"

Ce récit a été publié dans le Björneborgs Tidning n° 9 du 23/1/1900 - page 3

Nous devons la traduction à Madame FAIRISE Christelle

INTRODUCTION